dimanche 10 janvier 2016

10. Trikonasana, le triangle debout

Thierry Loussouarn

9. Les 4 sentiments positifs selon les yogas-sutras de Patanjali

Patanjali aurait vécu il y a près de 2500 ans. Il a été le premier à codifier le yoga; en tout cas, ses aphorismes constituent le tout premier ouvrage sur le yoga. Il ne s'agit pas pour autant d'un livre de base pour apprendre à pratiquer les postures ou  les techniques respiratoires. Les aphorismes sont écrits en sanskrit et décrivent avant tout le raja-yoga. On ne peut donc les aborder qu'avec une grande connaissance du sanskrit ancien (que très peu d'érudits maîtrisent). En lisant sur internet les traductions des sutras, on constate très vite des différences dans l'interprétation mais aussi dans le sens donné à chaque mot ou à leur racine sanskrit.

Ces sutras sont d'une grande richesse. Ils témoignent des possibles évolutions de l'être humain vers la sagesse. Les 4 premières parties concernent essentiellement le hatha-yoga, celui que nous connaissons et pratiquons en Occident. Il y a d'abord les règles morales que nous devons mettre en pratique vis à vis de nous-mêmes et vis à vis d'autrui. Puis viennent les asanas (les postures de yoga) et le pranayama (le contrôle de l'énergie et du souffle).

Mais Patanjali nous propose un cheminement beaucoup plus profond qui va au-delà de la pratique du yoga corporel, le plus pratiqué des occidentaux. Un chemin qui nécessite un long et ardu travail sur soi et auquel on doit se donner totalement. Mais, même si nous n'avons pas comme objectif de dépasser le moi conditionné (l'ego), même si nous ne recherchons pas Ishvara, notre Dieu intérieur, les sutras de Patanjali comportent des indications précieuses pour apaiser notre mental et améliorer notre relation à autrui.

Dès le 2ème sutra, Patanjali montre la voie en donnant une définition très courte du yoga : "Le yoga, c'est la cessation des mouvements du mental." Il présente clairement le yoga comme une voie méditative qui consiste à éteindre les pensées et impressions venant de notre moi conditionné, source  de souffrance, et des traces laissées par notre passé.

Pour ralentir puis faire cesser les tourbillons de notre mental, Patanjali propose de mettre en pratique différents exercices.
Il nous présente, par exemple, les 4 qualités morales à cultiver pour apaiser notre mental[1]. Il est d'intéressant de noter les similitudes entre l'enseignement de Patanjali et celui du bouddhisme tibétain. Nous y retrouvons souvent les mêmes mots, parfois les mêmes méthodes.
Nous appelleront ces qualités que le yogi doit développer : les 4 sentiments positifs.
La mise en pratique de ces sentiments constitue la base d’un travail dont le but premier est de réduire les pensées bien souvent à l'origine de nos émotions.
Ces sentiments définissent quatre attitudes à adopter avec autrui.
1. Maitrī : la bienveillance, l'amitié. On traduit parfois maitri par bonté.
Cette qualité est aussi définie comme le souhait bienveillant que les êtres connaissent le bonheur.
Il s'agit de ressentir cette bienveillance envers toute personne.
Thich Nhat Hanh - qui traduit maitri par amitié-bienveillante conseille de pratiquer le regard profond dirigé vers la personne pour atteindre cette composante de l'amour.
"L'amitié bienveillante fait des miracles. Bien que ce pouvoir de bienveillance soit en tous, nous ne savons peut-être même pas qu'il est en nous." Henepola Gunaratana

2. Karunā, la compassion.
Il s'agit de souhaiter à l'autre le bien et la santé et que sa souffrance s'apaise.

 3. Muditā, la joie bienveillante et altruiste, celle qui se réjouit du bonheur et des succès des autres et du bien-être d'autrui, Bouddha appelle à voir en la conscience une source inépuisable de joie infinie et enseigne de regarder en chacun les qualités plutôt que les défauts et les parts d'ombre. Gandhi insistait beaucoup sur cette qualité : "Je ne m’intéresse qu’aux qualités des gens. J’ai moi-même des défauts, donc je ne me permettrais pas de juger ceux des autres."
Il s'agit d'être heureux du bonheur des autres.

 4. Upekṣā, l'équanimité (ou la tranquillité). On traduit aussi Upekṣā par acceptation et détachement.
Il s'agit de conserver une attitude intérieure tranquille face à toute situation agréable ou désagréable.
 Patanjali nous propose de développer ces 4 sentiments. Car leur pratique nous conduit vers la sérénité.
Pour cela, nous devons faire usage de notre volonté. Sinon ce sont les sentiments négatifs opposés qui apparaîtront. Nous devons utiliser notre détermination pour exclure les sentiments négatifs. Exercer sa volonté signifie pratiquer ces attitudes et sentiments positifs tout au long de la journée, que les situations soient agréables (bonheur) ou désagréables. C'est grâce à notre raison que nous comprenons la nécessité de ces 4 qualités. Et c'est grâce à la mise en pratique que nous nous transformerons. Ce travail met en jeu :
- le pouvoir de notre esprit (de notre cerveau) capable de raisonner, d’étudier et de comprendre l'importance de ces 4 qualités
- et la dimension du cœur.

Comme le dit le Dalaï Lama, nous pouvons utiliser l'intelligence de notre cœur pour créer des émotions négatives et les conséquences, nous les connaissons tous, que ce soit dans la relation avec les personnes que nous côtoyons ou, au niveau mondial, dans la relation plus vaste entre les peuples ou les groupes religieux. Le Dalaï Lama nous enseigne que nous devons tous nous retrouver au niveau qui nous rassemble et nous unit, le niveau de l'être humain. Car dès lors que nous nous appuyons sur nos différences (Hindous, français, américains, juifs, musulmans, chrétiens...), les tensions apparaissent.

 Les sentiments négatifs créent de nombreuses pensées (notamment négatives). Les 4 sentiments positifs engendrent des pensées positives mais surtout un apaisement donc peu à peu une raréfaction des pensées.
La pratique de ces 4 qualités conduit celui qui les vit à expérimenter un sentiment conscient de joie, de sérénité à condition, bien sûr, de renoncer à vivre les émotions contraires. Nous pourrons alors être dans un état de conscience de plus en plus stable grâce à la raréfaction des pensées. Pour Patanjali, la pratique de ces 4 sentiments conduit donc à la sérénité.

 Cela nous amènera également à être moins centré sur nous, moins égoïste.
Plus on pratique et mieux on mémorise ce travail et plus on en comprend l'importance.
Pour Patanjali, grâce à cette pratique, notre conscience devient pure.
On peut appliquer ces 4 sentiments à soi-même:
La bienveillance vis-à-vis de nos vécus notamment au 1er degré. Littéralement, bienveillance signifie 'vouloir du bien'.
"Ayant passé le monde entier en revue avec mon esprit, je n'ai trouvé personne qui aime les autres plus que lui-même. Par conséquent, quelqu'un qui s'aime devrait cultiver cette bienveillance." Le Bouddha
"Établissez pleinement, en profondeur, ces sentiments de bienveillance et de bonté à votre égard. Laissez la force de la bienveillance saturer tout votre corps et votre esprit." Henepola Gunaratana

L'auto-compassion.

 La joie (l'action positive). Nous avons mille et une raison de nous attrister, de nous apitoyer sur ce qui ne va pas en nous ou à l'extérieur de nous. Notre cerveau est même programmé pour être négatif; cela vient de nos ancêtres qui vivaient dans les cavernes de notre continent ou dans les régions du sud-ouest de l'Afrique. Pour vivre, il fallait d'abord interpréter les signaux extérieurs comme négatifs.
Nous pouvons par exemple apprendre à ressentir de la joie vis-à-vis de ce que nous avons réalisé de positif.

 L'équanimité est un des enseignements de la méditation. Il rejoint la notion d'acceptation chère à de nombreux enseignements. Être équanime revient à vivre un sentiment de sérénité vis-à-vis de ce qui nous arrive.

Patanjali propose d'autres techniques pour atteindre l'état sans pensée :
- la méditation sur un objet de notre choix (le souffle par exemple)
- la pratique des exercices de respiration consciente,
- la récitation du mantra OM (pour se relier à notre être profond, non conditionné)
- l'observation des mouvements de l'esprit (méditation)

 Si vous souhaitez poursuivre la lecture des yoga-sutras de Patanjali, vous pouvez télécharger sur le net une traduction de Vimala Thakar au format pdf et gratuite : 'Le yoga au-delà de la méditation'. Il existe d'autres traductions avec des interprétations différentes en fonction du sens donnés aux mots sanskrit et des commentaires des auteurs. Le discours de Vimala Thakar exige une certaine détermination car elle s'adresse à des professeurs de yoga ayant déjà travaillé sur les yoga-sutras. Il faut donc jongler avec les mots sanskrits pour suivre sa pensée. Mais elle donne une lecture passionnante de ces aphorismes vieux de plus de 2500 ans.

 Voici une prière du Dalai lama qui reprend l'essence même du sutra 1.33 de Patanjali.
"Puissent tous les êtres vivants posséder le bonheur et sa cause,
Puissent tous les êtres vivants être séparés de la souffrance et de sa cause,
Puissent tous les êtres vivants ne jamais être séparés du bonheur qui ne connaît aucune souffrance,
Puissent tous les êtres vivants demeurer dans l'équanimité sans attachement ni répulsion de près ni de loin!"


Et pour conclure, voici une mise en pratique de Mudita (la joie) conseillée par un acteur célèbre :
"Il existe un exercice puissant, assez simple, que j'ai commencé à utiliser il y a de nombreuses années.
Lorsque sur mon chemin, je rencontre soit une personne ou un animal ou même un insecte, la première pensée qui me vient est: «Je vous souhaite le bonheur", " Je te souhaite du bonheur."
Cette pensée change complètement ce qui se passe entre vous et cette personne.
Je dis cela par expérience personnelle.
C'est une pensée très aidante qui nous enseigne de ne pas laisser les émotions négatives dominer.
Vous avez alors l'opportunité de créer un espace autour de vous.
C'est parfois très difficile quand vous rencontrez un ennemi, quand vous vous trouvez face à une situation difficile,  inattendue ou grave.
Voyez alors comment l'émotion négative apparait, et avant qu'elle ne vous envahisse, vous avez le temps de la changer ... Convertissez l'émotion négative ! Transformez-la en amour.
"Je te souhaite du bonheur !"
Essayez et vous verrez tout ce qui va changer dans votre vie. "
Richard Gere


Thierry Loussouarn

[1] Ces 4 qualités sont nommées les 4 incommensurables ou les 4 états sublimes ou les 4 attitudes vertueuses ou encore les 4 qualités ou pensées infinies dans le Bouddhisme et selon Thich Nhat Hanh les 4 composantes de l'amour véritable.

8. Makarasana, la posture du crocodile



 
Symboliques
Le crocodile est un animal dangereux. Les yogis comparent sa dangerosité à celle du mental de l'Homme capable de faire souffrir, d'imaginer des situations agressives et capable aussi de nous faire souffrir nous-mêmes avec des pensées négatives voire dépressives.
L'eau, dans laquelle se meut le crocodile, est le symbole de la purification mais également celui de notre être profond et serein, c'est-à-dire l'état le plus positif de notre conscience.
La posture du crocodile doit être réalisée dans un pur état de concentration afin de ne pas troubler l'eau, afin d'entrer en contact avec notre partie la plus sereine. Pratiquée ainsi, cette posture apaise les remous de notre esprit et prépare la méditation.
Bienfaits
- Décontraction et délassement du dos. Certaines variantes (comme celle avec les jambes fléchies) sont vivement conseillées pour atténuer les problèmes de dos.
- Mobilisation de la colonne vertébrale et assouplissement notamment de la région dorsale
- Équilibre le système nerveux
- Elle peut favoriser l'endormissement dans ses formes les plus douces
Réalisation
En position allongée, les bras moyennement écartés, paumes contre le sol, inspirez lentement…
Après une courte suspension de souffle, en appuyant la main droite sur le sol, tournez les jambes et le bassin vers la gauche jusqu'à placer la hanche gauche contre le sol. La tête tourne vers la droite et l'on essaie de garder l'épaule droite contre le tapis.
Suspension de souffle à vide puis revenir au centre en inspirant.
Suspension de souffle et réaliser la posture de l'autre côté en expirant.
Variantes
Il en existe de nombreuses notamment celle où l'on replie les jambes, talons à 10 cm des fesses et où l'on fait descendre les jambes sur un côté. Contrairement à la posture présentée dans cette fiche, celle avec les jambes fléchies est maintenue en respirant régulièrement.
"La pratique constante de la concentration conduit l'esprit et le corps vers un calme parfait." Vivekananda
Thierry Loussouarn