mercredi 25 mars 2020

mardi 17 mars 2020

65. Histoires indiennes : Christian, grand P.D.G et Swami nu


Christian nait à Béziers en pleine seconde guerre mondiale. C'est ensuite dans les Pyrénées Orientales, à Cerbère, qu'il passe son enfance et son adolescence. 

En 1961, il est envoyé en Algérie mais, par chance, il n'aura pas à combattre. 

De retour en France, il est embauché par la SNCF, puis travaille dans une agence de voyages à Paris. Il s'occupe des touristes qu'il promène dans la capitale. Il a la chance alors de voyager beaucoup.
N'étant pas assez payé, il cherche autre chose. Et c'est le patron d'une entreprise de cuir qui lui propose un travail. Il ne connait rien au cuir mais il apprend le métier et, très rapidement, le voilà muté à Madras, en Inde. Pour acheter des peaux de cuir.

Quelques temps après son arrivée en Inde, une Loi indienne réglemente l'exportation des peaux de cuir. La belle vie est terminée. Lui, qui vivait dans une magnifique demeure épaulé par 5 serviteurs et recevait le tout Madras, voit son train de vie basculer. On lui propose bien un autre poste, en Nouvelle Zélande mais il refuse. 

Sa femme le quitte. Il devient pauvre, habite une toute petite maison et dort avec les rats. Il en vient même à  ramasser des mégots dans la rue, car Christian, gros fumeur, n'a plus assez d'argent pour s'acheter des cigarettes (pourtant très bon marché en Inde). 

Par chance, il rencontre un Parsi[1] avec qui il fonde une entreprise de confection.
Par chance à nouveau, il rencontre une acheteuse du Printemps (Paris). Il bluffe en faisant croire qu'il possède une importante usine et obtient le contrat et travaille dur durant 5 ans. Mais il se rend compte que les profits, c'est son ami Parsi qui les fait et qui en profite pour mener la belle vie.

En 1985, il repart donc à zéro. Il décide de commercialiser lui-même ses collections. Il remporte un 1er contrat avec Chipie et crée alors Fashions international (1987). Malgré cette réussite, il file droit vers la dépression. 60 cigarettes par jour plus les whiskies, son corps ne suit plus.
C'est à cette époque qu'il rencontre une indienne brahmane. Elle lui parle de spiritualité, de pranayama, lui fait découvrir les textes hindous anciens. Il se met alors au yoga grâce à un yogi qui le lui enseigne gratuitement. Cet homme va se révéler un guide important qui l'initie à la méditation. Christian parvient peu à peu à apaiser ses pensées.

En 1988, ce yogi lui fait rencontrer son propre gourou, Swami Sarveswara. Celui-ci n'a plus ni mains, ni pieds, rongés par la lèpre. Lors de cette première rencontre, il lui dit plein de choses très étranges et notamment : "Un jour, vous serez très connu".
Christian va continuer à rencontrer Swami Sarveswara tous les week-ends. Ce qui veut dire à chaque fois 9 heures de trajet sous une chaleur étouffante, des routes défoncées et des bus très inconfortables.
Son gourou lui fait découvrir Shiva. Et lui dit un jour : "Vendredi, vas à Vriduchallam près de Trichy, à 18h00". Il se rend à ce temple, se met en méditation et, quand il est secoué par le yogi qui l'accompagnait, 2 heures 30 se sont écoulées. L'expérience qu'il vient de faire est un mélange de compassion, d'amour et de béatitude. Une expérience mystique.

Il considère alors que les vêtements - Kenzo, Lee Cooper, Camaieu, DDP - tout cela appartient au passé.

De plus, son gourou lui demande de devenir sannyasin (moine) et de ne plus rien posséder.
Il se rend à Bénarès et adopte la vie de moine durant quelques semaines. De retour de la ville sainte, il se fait raser les cheveux, les sourcils, les poils sous les aisselles et son gourou lui donne son nouveau nom : Swami Pranavananda Brahmendra Avadhtta Swamigal.
Il doit désormais se mettre au service des autres. Et de fait, même s'il continue à diriger ses entreprises (23 usines, plus de 60.000 employés), il fait don de ce qu'il possède à ses employés et ne possède plus rien en main propre.

Suite à la parution de son livre, en 2003, l'émission Sept à huit sur TF1, fait un reportage sur lui. Il passe également dans les émission de Thierry Ardisson et de Mireille Dumas. Et chaque fois qu'il voyage en France, c'est en robe orange -  celle des sannyasins - qu'il apparait.
Son gourou, qui n'a eu que 3 disciples,  lui demande de créer un ashram. C'est du côté de Salem, non loin de Trichy dans les collines, qu'il trouve un terrain. 

Il n'y a pas d'eau, pas d'électricité. De nombreux serpents habitent ici et notamment les Russel, les plus dangereux de l'Inde mais aussi des cobras, des scorpions. La nature est vraiment sauvage avec les renards, les ours bruns, les sangliers et quelques panthères.
Il s'occupe des habitants de la région qui se font copieusement exploiter par ceux qui achètent leurs fruits mais aussi par des fonctionnaires véreux qui ne leur reversent pas ce que l'État leur alloue.

L'ashram se développe, s'agrandit. Il s'équipe d'une antenne satellite afin d'être connecté à internet, cultive des plants et légumes de façon écologique (du café, du poivre…), produit son eau solaire, plante 10.000 arbres (L'Inde continue de déboiser, l'équivalent du territoire de la France tous les ans !). Dès qu'il séjourne dans son ashram, Swami Pranavananda vit nu. Amusant, n'est-ce pas pour quelqu'un qui travaille dans le prêt-à-porter !

Son ermitage est isolé, en pleine nature dans les Kolli Hills. Il reçoit tous les chercheurs de Dieu mais aide aussi les tribus très pauvres et a créé un centre d'aide médicale d'urgence.
Si vous souhaitez le rencontrer, il faut se rendre dans le district de Namakkal, dans le Sud de l'Inde. Vous devrez aussi accepter un certain inconfort, les moustiques… De l'aéroport de Madras, si vous prenez un taxi, comptez plus de 6 ou 7 heures; si tout va bien.. 


[1] Religion Perse. Les Parsis quittèrent la Perse quand celle-ci fut envahit par les Musulmans. Beaucoup s'installèrent en Inde. Freddie Mercury, le chanteur du groupe  Queen, était un Parsi; il a vécu à Bombay.