jeudi 21 septembre 2017

45. Résumé de la 1ère conférence en France d’Eckhart Tolle

https://scontent-cdt1-1.xx.fbcdn.net/v/t31.0-8/21640796_1134522390016411_5477240433560362634_o.jpg?oh=89bc5933c817b5e421cec676ef498a82&oe=5A4B0B80Introduction : l’usage des concepts et le mythe de Narcisse
« La compréhension de concepts est insuffisante. Les concepts sont comme des panneaux d’affichage qui indiquent un chemin. Il ne s’agit pas de transformer les concepts en croyances, mais plutôt de les voir comme une invitation à réaliser par nous-mêmes la possibilité d’une certaine dimension de conscience qu’on appelle l’éveil : pour apprendre à être avec soi-même, pour approfondir la dimension qu’on appelle aussi présence. Le thème est TOI et je (Eckhart) veut mettre le doigt sur quelque chose de fondamental pour vivre une vie ayant du sens.
Le mythe de Narcisse, qui marche dans les bois, arrive devant une étendue d’eau, et s’émerveille de la beauté de son propre reflet dans l’eau. Comme une prophétie ancienne de l’arrivée du selfie. Narcisse tombe amoureux de son propre reflet, il ne peut plus le quitter, cette image devient pour lui une obsession. Une obsession comme ce que l’on ressent lorsque l’on « tombe amoureux » – ce qui a peu à voir avec l’acte d’aimer. Narcisse finit par perdre son bonheur et se suicider.
L’origine de la souffrance : le MOI conceptuel et l’identification à la matière
Nous avons tous une image mentale de qui nous sommes. Cette image mentale est comme un fantôme qui marche avec nous et ne nous quitte jamais, ce concept mental de qui nous sommes qu’on appelle aussi l’ego. Ce MOI conceptuel avec lequel on s’identifie si complètement qu’on en oublie qu’il n’est pas qui nous sommes vraiment. Voilà la structure de notre mental conditionné.
Le premier niveau d’identification est avec le corps. Tu crois que tu es ton corps. Cela peut être une source de fierté ou bien une source de souffrance ou de honte. Il arrive souvent que des gens « beaux » recherchent leur identité dans leur apparence. Mais un jour, cette source de fierté devient une source de souffrance, car aucune forme ne reste jamais telle qu’elle est. Voilà le premier niveau de l’identification à la matière [par opposition à l’identification à l’essence].
Cette identification à la matière [qui est la source de nos souffrances] ne s’arrête pas au corps : elle s’étend aux pensées, aux histoires. Cela commence dès l’enfance, quand on s’identifie à une idée [c’est à dire qu’on ajoute cette idée au concept de qui nous sommes] et notamment au concept de « MOI » ou « MON». « MON jouet » est le début de l’ego. Si tu enlèves à un enfant un jouet qu’il appelle « MON jouet » – et pour lequel il aurait sans doute perdu intérêt quelques minutes plus tard – un drame se crée : ce n’est pas l’objet qui manque, mais c’est le concept mental du jouet auquel l’enfant s’est identifié qui crée la souffrance.
L’identification à la matière passe aussi par le prénom. « Je suis Pierre ». Ce prénom est simplement une pensée, à laquelle j’ai appliqué le concept de « MOI »… ensuite on ajoute toutes sortes d’autres choses à ce concept de MOI[, tels que des goûts et des croyances]. De plus en plus de choses sont rajoutées au fil du temps à ce concept de « MOI ». Et de là tu développes une histoire, une narration, que tu appelles « MOI » ou « MA vie ».
Les choses que tu fais… les choses que l’on t’a fait… Et pour la plupart des gens, ce « MOI » pensé est source de problèmes. Car les egos ressentent comme un sentiment de manque. Le sentiment qu’on a besoin d’arriver quelque part, qu’il y a quelque chose d’important qu’on n’a pas encore commencé. Les gens attendent leur « big break » [(c’est à dire leur grand moment, ils attendent de décoller, que quelque chose se débloque)]. Ou alors ils attendent le weekend, ou leurs vacances, ou la bonne relation amoureuse.
[Eckhart parle ensuite de gens connus à qui il a parlé, qui au début sont ravis de leur nouvelle notoriété car c’est ce qu’ils voulaient, mais qui ensuite deviennent encore plus tristes que ce qu’ils étaient auparavant car ils comprennent que l’objectif mental qu’ils s’étaient fixés pour devenir heureux n’étaient en fait qu’une illusion.]
Les épreuves de la vie comme opportunité d’évolution
La vie est dure pour tout le monde. La vie nous mettra à l’épreuve constamment. Lâche la croyance que ce ne devrait pas être ainsi. Certains pensent qu’il y a comme une conspiration contre eux pour les rendre malheureux. Mais les épreuves sont les choses les plus importantes pour notre évolution. Il est impossible que tout se passe bien en même temps. Toutes les formes de vie font face à des épreuves, et c’est seulement en étant confrontés à ces épreuves que l’on peut évoluer.
Tu as souffert, tu as été malheureux. Mais est-ce que tu peux voir possibilité de ne pas transformer les épreuves en souffrance (ce que Bouddha appelait Dukkha) ? Peux-tu avancer dans la vie sans te créer de la souffrance ?
Le malheur dépend toujours de circonstances, qui dépendent à leur tour des gens. Parce que les gens sont difficiles. Sartre disait « L’enfer c’est les autres ».
La pensée compulsive et la possibilité de devenir présent
Regarde une petite souffrance : tu essayes de joindre ta banque au téléphone, tu n’y arrives pas, on te fait attendre des heures… tu deviens irrité… comme quand tu es dans les embouteillages ou à l’aéroport : quelqu’un qui laisse l’irritation monter en lui régulièrement accumule une grande quantité de souffrance à l’intérieur de lui au fil du temps. Cette irritation renforce ce concept mental erroné de « MOI », c’est à dire l’ego.
Pose-toi cette question : d’où vient ma souffrance ? Est-ce que c’est vraiment la situation qui me cause de la souffrance ou est-ce plutôt quelque chose que j’ajoute à la situation ? Évidemment c’est ce que tu ajoutes à la situation. Ce sont des pensées du genre « je ne veux pas que ça se passe comme ça ». Mais tu as une possibilité de devenir conscient de ton processus mental ; de voir la voix dans ta tête [comme un élément extérieur à toi-même] plutôt que de t’y identifier. Essaye simplement de ne pas rajouter des pensées à des situations qui t’agacent. Sois dans l’instant présent. Regarde autour de toi. Remarque que la situation n’est pas aussi mauvaise que te le raconte ton mental. Elle n’est même pas mauvaise du tout. Elle est, c’est tout.
Tu prends le moment tel qu’il est (comme la queue à l’aéroport par exemple). S’il y a quelque chose que tu peux faire [pour améliorer ta situation], alors fais le. Si tu ne peux rien faire, ne te bats pas. Se battre contre ce qui est ne fait que renforcer le concept mental égotique de « MOI ». Quand tu te plains, tu renforces ton ego, tu te sens moralement supérieur. L’ego te raconte des histoires dans lesquelles tu as toujours raison et les autres ont toujours tort.
Élimine la souffrance en t’abstenant de rajouter des éléments qui ne sont pas nécessaires à l’instant présent. Toute la vie se déroule au moment présent. Il n’y a rien d’autre ! Ce moment est TOUJOURS plus important que le prochain. Il n’y a évidemment rien de mal à organiser des évènements dans le futur. Mais aucun moment futur ne peut être plus important que ce moment. Il n’y a que maintenant. Si tu rejettes le moment tu continueras à souffrir. La pratique spirituelle la plus importante est de faire ami avec l’instant présent, quelle que soit sa forme.
Quelle que soit la situation, sois dans la non-résistance [c’est-à-dire dans l’acceptation]. L’ego ne vit que dans la résistance au moment présent. Pour honorer le moment présent, pratique la gratitude pour ce qui est ici et maintenant. Donne de l’attention, apprécie le moment. Arrête d’essayer d’arriver là-bas. Ressens l’alignement avec ton corps intérieur afin de créer une distance avec ton mental pensant sans faire baisser ton état de conscience.
Il s’agit de la prochaine étape dans l’évolution de la conscience humaine. Narcisse avait perdu la tête car il avait perdu la connexion avec son être. L’ego n’est jamais satisfait très longtemps, il a souvent des problèmes d’estime de soi, des problèmes quant a l’image qu’il se fait de l’histoire de sa vie. Ce sont des problèmes que, par exemple, les chats et les chiens n’ont pas. Ils n’ont pas d’image mentale de qui ils sont, parce qu’ils ne pensent pas véritablement[, en tous cas au sens où on l’entend, c’est-à-dire au travers du langage]. Cette faculté de penser que nous avons est magnifique mais elle nous enferme dans cette image conceptuelle de qui nous sommes. On interprète tout sur la base de notre mental conditionné. Le moment présent est la porte de sortie qui nous délivre des pensées inutiles.
C’est toujours le fait de trop penser – pas les circonstances elles-mêmes – qui créent le malheur. Quand j’étais SDF [Eckhart a été SDF un temps], je n’étais pas malheureux, j’étais pleinement présent. Les gens venaient s’asseoir à côté de moi sur les bancs des parcs que je fréquentais et c’est ainsi qu’ont commencé mes enseignements spirituels (…). Il existe une possibilité de regarder au delà du MOI créé par le mental et de ressentir une paix profonde (…). Il s’agit de connecter à la vérité du « JE SUIS » sans y ajouter quoique ce soit [qui se rapporte à l’histoire de notre vie].
Est-ce que « je » pense ? Non ! Les pensées se passent d’elles-mêmes. A moins que tu sois présent. La présence est quand tu n’as plus de pensées mais que tu ne dors pas. Deviens immobile et perçois. La présence demande une attention vigilante sans quoi tu risques de retomber dans les pensées.
Il y a deux façons de se libérer de cette pensée compulsive qui rend la vie misérable. Passer au dessus, au travers de la présence. Ou bien passer en dessous, avec de l’alcool ou des intoxicants, qui t’amènent vers un état de non conscience. (…) Essaye de regarder les choses sans y ajouter d’étiquette mentale.
La conscience universelle
Tu es l’espace de la conscience. Même si tout ceci n’est qu’un rêve, tu ne peux douter de l’existence de la conscience. Est-ce que tu peux ressentir le « JE SUIS » ? (…) « Connais-toi » : il ne s’agit pas de connaître ton histoire mais de connaître ton essence. La clé pour te connaître est la réalisation de la vérité « JE SUIS ». La prise de conscience de « JE SUIS » est le chemin, la lumière, la vérité. La conscience illumine le monde.
La conscience ne peut jamais devenir un objet. Elle est l’éternel sujet. Le mot « conscience » en Anglais [« consciousness »] n’existe pas au pluriel. Il n’y a qu’une conscience unique. La science ne l’a pas encore découverte. Le cerveau est un instrument au travers duquel la conscience s’exprime. Ton identité d’essence est la conscience de l’univers. (…) La meilleure analogie est celle du soleil qui rayonne. Quand tu ressens le rayon de soleil sur ta peau, le soleil ne te touche pas vraiment. La conscience que tu es est une émanation de la conscience unique, elle apparaît comme étant toi, comme un rayon de conscience. Tu peux te rendre compte de cette vérité quand survient une interruption dans ton flot de pensées.
Il n’y a pas de connaissance conceptuelle quand tu es dans l’immobilité mais il y a une connexion à la vastitude de la conscience. La sagesse surgit des profondeurs de la conscience non conditionnée. Pour accéder à la créativité tu as besoin de cette connexion à l’intelligence non conceptuelle qui se trouve à l’intérieur de toi ; la pensée a besoin de s’interrompre momentanément. Toute forme de créativité, toute forme de connexion avec les autres espèces [animales et végétales] surgit de cet état de conscience non conditionné.
L’immobilité d’un arbre. Tu peux ressentir son essence si tu suspends [la compulsion d’y fixer] l’étiquette [« arbre »]. L’art de vivre c’est savoir mettre les étiquettes de côté quand tu n’en as pas besoin. Saint Saint-Exupéry : « ce qui est essentiel est invisible à l’œil ».
Dans quelle forme vivent tes mémoires ? Tout cela est invisible. Tu reconnais l’essence de ton chien comme étant la même que ta propre essence. La bienveillance qui émane de toi vers l’autre fait que l’autre n’est plus l’autre. Tu vois que vous partagez une conscience unique. C’est ça l’amour : la prise de conscience que ce que tu vois en l’autre est toi-même. En fin de compte, quand tu aimes une autre forme de vie [humaine, animale ou végétale], tu t’aimes toi-même, tu aimes la conscience unique. Tu peux ressentir la présence de l’autre qui, du coup, n’est plus « l’autre ».
Honore l’autre en reconnaissant qui il est dans son essence. La méditation peut t’être utile car elle te permet de devenir conscient du moment présent. L’addiction aux activités dangereuses [telles que les activités qui stimulent l’adrénaline] peut te propulser dans un état de présence. Ou bien les grands chocs. Mais tu n’as pas besoin de ça.
Peut être qu’un jour les pensées qui précèdent deviendront la base d’une nouvelle forme d’éducation.
C’est en présence d’épreuves que la transformation devient plus accessible. »